Rencontre entre un musée, des comédiens et de futurs professeurs des écoles autour de l’EAC
Dans le cadre de la transformation du centre de ressources en histoire de l’éducation (Val d’Oise), qui a déménagé de Saint Ouen l’Aumône pour Gonesse il y a quelques années, La Fabrique du musée a la tâche de préfigurer le futur musée d’histoire et de Société de l’agglomération Roissy Pays de France.



Riche d’une collection comprenant près de 50 000 objets et documents qui témoignent de l’histoire de l’éducation en France et plus spécifiquement en Île-de-France, le musée a pour principales missions la préservation et la valorisation de ce fonds exceptionnel. Mais pour que les artefacts anciens et modernes liés à l’histoire de l’école, jeux, cahiers, capsules temporelles, expositions, bureau tables et chaises, décorations de salles, manuels scolaires et tellement d’autres objets puissent rencontrer publics et experts, il s’est d’abord posé une question cruciale :
Comment raconter l’école ?
Pour comprendre le lien, il faut alors revenir un peu en arrière.
C’est lors d’une précédente résidence artistique à Gonesse, dans le cadre d’un projet d’Éducation Artistique et Culturelle incluant le 3ème pilier de la charte de l’EAC, la pratique artistique, que les artistes Jana Klein et Stéphane Schoukroun, de la 𝗖𝗶𝗲 (𝗦)-𝗩𝗿𝗮𝗶, sont intervenus dans des écoles et établissements scolaires de la ville. La compagnie intervient en effet depuis longtemps en milieu scolaire, partant à la rencontre des élèves et des équipes pédagogiques par curiosité pour l’école.
Ils ont fait la connaissance de l’équipe de La Fabrique du Musée, et se sont découvert l’intérêt commun de tenter de raconter l’école, chaque structure à sa manière.
Le parti pris de penser la conception d’un musée de manière scientifique comme c’est l’usage, mais également par le prisme artistique s’est très vite imposé, et la 𝗖𝗶𝗲 (𝗦)-𝗩𝗿𝗮𝗶 a repris ses entretiens auprès des publics de la ville, notamment scolaires, pour appréhender leurs souvenirs d’alors et d’aujourd’hui.
De cette collaboration est née la performance 𝙑𝙞𝙙𝙚 𝙩𝙤𝙣 𝙘𝙖𝙧𝙩𝙖𝙗𝙡𝙚 (𝙑𝙖𝙧𝙞𝙖𝙩𝙞𝙤𝙣𝙨 𝙨𝙪𝙧 𝙡’𝙚́𝙘𝙤𝙡𝙚), série de portraits liés aux témoignages d’anciens élèves et d’enseignants de tous âges, donnant à montrer comment on raconte ce que l’école à fait de nous et pour nous.
« Chaque Variation est un portrait, un parcours de vie qui questionne notre rapport à l’apprentissage et à ce drôle d’endroit où nous passons les premières années de notre existence. »
Les 14 et 21 novembre 2025, Jana Klein et Stéphane Schoukroun sont venus présenter Elisabeth, portrait d’une ancienne institutrice maintenant à la retraite à deux groupes de futurs professeurs des écoles, emmenés par leur formatrice en éducation physique et sportive, Valérie Berthe Jouan.
Pas de scène de théâtre, la petite forme est une lecture théâtralisée/discussion favorisant la participation du public. Conçue pour se déplacer et avoir lieu dans n’importe quel espace, 𝙑𝙞𝙙𝙚 𝙩𝙤𝙣 𝙘𝙖𝙧𝙩𝙖𝙗𝙡𝙚 (𝙑𝙖𝙧𝙞𝙖𝙩𝙞𝙤𝙣𝙨 𝙨𝙪𝙧 𝙡’𝙚́𝙘𝙤𝙡𝙚) s’adapte aux contraintes des spectateurs. Ces 2 vendredis matins, c’est donc dans une salle du gymnase de l’ESSEC à Cergy que les étudiants ont pu s’immerger dans le témoignage d’Elisabeth.





La mise en scène permet d’entendre à la fois la voix d’une intelligence artificielle (ludique et surprenante, elle permet d’imposer une distance avec les sujets sensibles) et les voix des personnes interrogées, dont les témoignages sont diffusés pendant la petite forme. Les comédiens endossent tour à tour leur propre rôle d’artistes, mais aussi celui de parents d’élèves dans un dialogue qui interroge comment l’école nous transforme.
Le travail d’autofiction permet d’entrer dans la réalité du rapport des individus avec l’école, d’en appréhender son impact quand son rapport avec elle est heurté. Le spectacle vivant, en effet, aime traiter des situations de crise, ce qui est le cas de l’école aujourd’hui, entre peur de l’échec, harcèlement scolaire, discriminations, omniprésence d’internet et des réseaux sociaux, etc…
Jana questionne l’auditoire :
Comment apprendre à apprendre ?
Quel genre d’élèves étiez-vous ?
Quel prof avez-vous envie d’être ?
Rires, participation facile, les étudiants se sont vite sentis concernés par le sujet et les questions entendues, eux qui passeront le concours au mois de mars.
Le contact avec les artistes, par l’entremise de ce projet EAC, déplace leur rapport, avec les interrogations, en les autorisant sans doute a plus de liberté, de spontanéité et de franchise.
Jennifer Connan, pour le service Éducation Artistique et Culturelle
Suite à la performance participative, Valérie Berthe Jouan a adressé un questionnaire à ses 2 groupes d’étudiants, voici leurs réponses :
Raphaëlle
Et vous… quel est votre plus beau souvenir d’école ?
J’ai du mal à trouver un beau souvenir d’école. Je cherche, et je n’en ai aucun.
Comment, quand et pourquoi avez-vous choisi cette formation de future professeure des écoles ?
Après le bac, j’ai étudié la philosophie. C’était de très bonnes années, et c’est une discipline que j’aime beaucoup. En parallèle, je fais beaucoup d’animation, dans tous types de contextes avec tous types d’enfants.
Arrivée à la fin de ma licence, j’ai dû faire un choix de master. Depuis des années je voulais devenir professeur de philosophie au lycée. J’ai donc demandé plusieurs masters de philosophie, tout en ayant en tête l’école primaire également. Sans trop m’y projeter, j’ai donc demandé ce master à l’INSPE. Aux résultats des masters, toutes les portes étaient ouvertes : j’étais acceptée partout.
En quelques jours, j’ai donc dû faire un choix d’avenir. J’ai mis une croix sur mon rêve de philosophe, et, sans trop savoir pourquoi, j’ai validé le master de professeur des écoles. Je ne comprenais pas ce qui m’avait pris mais j’ai su que j’étais à ma place.
J’ai ensuite fait une année de césure, qui m’a permis de comprendre pourquoi j’avais fait ce choix :
Le monde a plus besoin de professeurs des écoles que de professeurs de philosophie. A quoi sert-il d’avoir un diplôme de professeur de philosophie dans un pays dans lequel les enfants ne savent même pas lire ?
Je veux aimer, je veux aider, et je veux vivre pour les autres. Voyager pour philosopher ne sert pas à grand-chose, tandis qu’aller dans des endroits où aucun professeur ne va est la raison pour laquelle je souhaite faire ce métier. Les enfants du monde n’ont pas tous accès à l’éducation, et c’est pour eux que j’ai souhaité me former. Implanter des écoles, instruire les enfants, apprendre d’eux, c’est ce projet qui rythmera ma vie pour les prochaines années.
Quelles sont vos impressions après la performance de Yana et Stéphane ?
A nouveau, je revis les sensations de l’enfance, comme un temps perdu que je pensais ne jamais retrouver. La performance de Yana et Stéphane a pour marque la beauté, la simplicité et la poésie d’un endroit dont il reste parfois de lourdes cicatrices. Le cœur est léger.
Cette performance autour du témoignage d’Élisabeth a-t-elle modifié ou transformé votre perception du métier ? Quelles traces cela pourrait-il vous laisser ?
Cette performance est un pansement sur le cœur de la petite fille que j’étais. Je n’ai pas eu d’amis, j’ai beaucoup changé d’école et j’ai sauté une classe. Rien n’était fixe, et je me sentais souvent mieux avec les adultes, notamment les maitresses. Les livres étaient mon refuge et j’avais hâte de rentrer à la maison. Les adultes ont été une grande part de ma scolarité.
Ainsi, le témoignage d’Elisabeth a accentué l’une des choses que j’aime le plus au monde : l’humanité. C’est le côté humain qui m’a marqué, car au-delà de transmettre des connaissances, les professeurs des écoles sont ceux qui nous élèvent. Ils sont ceux qui permettent les relations, la socialisation. Des noms restent, des histoires aussi. Les odeurs, les sensations sont gravés à jamais dans nos cœurs et ce genre de prestation nous replonge dans cet environnement par lequel nous sommes tous passés : l’école primaire.
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